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5 Juillet 2025
14:00:27

Travailler avec des jeunes

À les voir débarquer sur le marché du travail avec leur portable et leur BlackBerry on a envie de s’écrier: « Aux abris, toutes! »

Par Marie-Claude Fortin, Vita Magazine, mai 2009

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Y a-t-il quand même moyen de faire le pont entre notre génération et celle des 20-30 ans?

Frédérique, 47 ans, travaille dans le milieu des communications depuis une vingtaine d’années. Sa nouvelle collègue, Rosalie, a 25 ans. « Un jour, raconte Frédérique, elle cherchait sur Internet l’orthographe d’un mot et se plaignait de trouver des graphies différentes. Quand je lui ai suggéré de consulter le dictionnaire qui se trouvait juste à côté d’elle, Rosalie m’a répondu, le plus sérieusement du monde : "Quelle bonne idée!" Car pour elle, ouvrir un dictionnaire n’était absolument pas un réflexe. »

Net plus ultra

Née avec une souris dans les mains, la génération Y est très performante, très branchée. Un atout certain pour les milieux de travail, qui leur ouvrent aujourd’hui toutes grandes leurs portes, en cette époque où le vieillissement de la population entraîne une véritable pénurie de main-d’œuvre. « Ces jeunes-là ont grandi avec la technologie », explique Diane Demers, consultante pour le Réseau DOF, une firme de développement organisationnel.

Valeurs à neuf

Autre signe distinctif des représentants de cette génération montante: ils sont très exigeants à l’égard de leurs conditions de travail. « Extrêmement soucieux de leur employabilité, ils veulent savoir ce que leur entreprise peut leur offrir pour les aider à se développer », constate Diane Demers. « Et pour ces jeunes-là, l’équilibre entre travail, famille et vie personnelle est beaucoup plus important qu’il ne l’a été pour nous, les 40 ans et plus », affirme Renée Courville, psychologue et coordonnatrice du service de perfectionnement de l’École nationale d’administration publique (ENAP). « Par exemple, dit-elle, je n’aurais jamais osé refuser à mon employeur de faire quelques heures supplémentaires s’il me l’avait demandé, mais eux n’hésiteront pas à dire non. »

Frédérique en sait quelque chose : « La seule fois où je me suis risquée à demander à Rosalie de travailler quelques heures de plus durant le weekend, elle m’a regardée comme si j’étais une extraterrestre! Et elle m’a répondu par un NON catégorique. Son emploi est loin de représenter toute sa vie! »

Égo, repos, boulot

Effrontés, les écho-boomers? « Je dirais plutôt sûrs d’eux », nuance Diane Demers, qui anime régulièrement des ateliers sur l’intégration des différentes générations en milieu de travail. « Ces jeunes ont été élevés par des parents qui exposaient leurs moindres gribouillages sur le frigo, qui leur répétaient à longueur de journée qu’ils étaient beaux, fins, intelligents et capables. Pas étonnant qu’ils aient une estime d’eux-mêmes dangereusement élevée! »

« Les parents des enfants de la génération Y leur ont appris à faire des choix, à questionner, à critiquer, renchérit Renée Courville. Résultat : ils n’ont pas du tout le même rapport que nous à l’autorité. » « Ils ont grandi en tutoyant leurs grands-parents, leurs éducatrices et leurs professeurs, rappelle Diane Demers. Pour eux, ce n’est pas de la familiarité, ça fait partie de leur mode de vie! »

X, Y, Zen...

Malgré ces divergences de points de vue, les babyboomers ont tout intérêt à bien s’entendre avec leurs futurs successeurs – la relève recrutée parmi les générations X et Y – au boulot, même si cela requiert du temps, de la maturité et... beaucoup de patience!

En fait, les gens de 40 ans et plus n’ont pas vraiment le choix. « À cause de la décroissance démographique, la pyramide des âges est aujourd’hui inversée, explique Diane Demers. Or, ce sont les jeunes qui supportent cette pyramide. Et comme ils sont peu nombreux, les entreprises doivent apprendre à les approcher, à les retenir et à les fidéliser. »

Avis aux employeurs : les jeunes Y n’aiment pas être contrôlés, ils préfèrent être guidés. Ils veulent être appréciés à leur juste valeur et ils cherchent toujours à comprendre « le pourquoi du comment ».

Pour Mme Demers, cela n’a rien d’étonnant. « Ils ont été élevés par des parents qui leur expliquaient tout : pourquoi c’était important de manger des légumes, pourquoi il fallait se coucher tôt, etc. Et comme ces jeunes-là ont été gavés de compliments, ils ont besoin de feedbacks quotidiens, de renforcements positifs fréquents. Idéalement, on les jumellera avec des collègues plus expérimentés, mais ouverts et capables de reconnaître leurs compétences; des babyboomers qui ont des choses à léguer. Si on manifeste un peu d’ouverture d’esprit à leur égard, ces jeunes donneront le meilleur d’eux-mêmes. »

Et le meilleur d’eux-mêmes, cela ne signifie pas seulement leur dynamisme, leur vivacité d’esprit et leurs connaissances technologiques. Cela veut dire aussi leur réel apport sur le plan humain. « Car les jeunes de la génération Y sont très ouverts au monde, aux différences, à la diversité sexuelle et ethnique », note Mme Demers.

« Ils ont beaucoup plus de sensibilité que nous à tout ce qui concerne l’environnement, souligne Renée Courville. Ils nous rappellent d’ailleurs souvent à l’ordre en nous incitant à recycler et à mettre nos documents en ligne sur des sites accessibles à tous plutôt que de les imprimer. Et ce qu’ils revendiquent – notamment ce fameux équilibre entre le travail, les loisirs et la famille –, eh bien franchement, il serait peut-être temps qu’on l’obtienne! »

Qui sont les « Y »?

Selon Wikipédia, la génération Y désigne les individus nés entre 1979 et 1994. Mais pour certains experts, dont Diane Demers, consultante en développement organisationnel, ils seraient plutôt nés entre 1979 et 1989. En anglais, le terme a un double sens: ainsi, on qualifie parfois la Y generation de Why generation, histoire de rappeler la fâcheuse habitude qu’ont ces jeunes de nous bombarder de leurs « pourquoi? ». Enfin, d’autres les appellent « écho-boomers », référant à leur statut d’enfants de babyboomers, eux-mêmes issus de l’explosion des naissances de l’après-guerre.

On dit que les « Y » sont instruits, sûrs d’eux et conscients de leur propre valeur. « Cependant, rappelle Mme Demers, n’oublions pas que ce ne sont ni les psychologues ni les sociologues qui baptisent ainsi les générations – babyboomers, X, Y ou autres –, mais plutôt les pros du marketing, dont le travail consiste à déterminer les publics cibles. »


Version en ligne sur le site de Vita Magazine


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